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Les limites planétaires

  • par Auriane Lefebvre
  • 06 nov., 2023

Une autre limite planétaire vient d'être franchie… Nous en avons beaucoup entendu parler, mais qu’est ce que cela veut dire ? Qu’est ce que les limites planétaires ? D'où vient le concept ? On s’est intéressé au sujet et on vous propose de le découvrir avec nous.

Un peu d’histoire pour commencer.

Au milieu du XXème siècle, nous sommes dans une phase de Grande Accélération. 3 grandes caractéristiques définissent cette époque : le développement économique planétaire, l’intensification des activités humaines et la croissance démographique. Cela implique une utilisation accrue des ressources naturelles et les scientifiques tirent déjà la sonnette d’alarme. Certains s’en inquiètent, notamment le Club de Rome1.

Le Club de Rome commande et publie un rapport “Les limites de la croissance” ou le “Rapport Meadows” réalisé par des scientifiques du Massachussetts Institute of Technology (MIT). Ce rapport publié en 1972 explique qu'une croissance exponentielle est insoutenable face à une ressource finie. Pour résumer, ce rapport montre que la croissance s’effondrerait à partir de 2020 (Et ils n’ont pas eu complètement tort…)

En 2009, dans la continuité de ces travaux, une nouvelle approche est formalisée dans le but d’améliorer l’information sur les risques de changements environnementaux brusques globaux induits par l’empreinte humaine et susceptibles d’affecter les écosystèmes et le bien-être. C’est la naissance du concept des limites planétaires.

Alors, Les limites planétaires kezako ?

En 2009, une équipe de 28 chercheurs menés par Johan Rockström et Will Stefen publie l’article “Planetary Boundaries: Exploring the Safe Operating Space for Humanity” dans la revue Ecology and Society. Les travaux permettent de définir 9 processus biophysiques qui représentent le bon fonctionnement de la Terre.

Ces 9 processus biophysiques, quels sont-ils ?

  1. le changement climatique,
  2. l’érosion de la biodiversité,
  3. la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore,
  4. les changements d'utilisation des sols,
  5. l’acidification des océans,
  6. l’utilisation mondiale de l’eau,
  7. l’appauvrissement de la couche d'ozone stratosphérique,
  8. la pollution chimique
  9. et l'augmentation des aérosols dans l’atmosphère.

A chacun de ces 9 facteurs a été donné un indicateur, une limite à ne pas dépasser.

  1. le changement climatique : On mesure la concentration de CO2 dans l’atmosphère, elle doit être inférieure à 350 ppm (partie par million, soit combien on trouve de molécules de polluant sur un million de molécules d’air).
  2. l’érosion de la biodiversité : En 2009, on mesure la perte de biodiversité génétique (variété en gènes des organismes) grâce au taux annuel d'extinctions qui doit être inférieur à 10 extinctions par millions d’habitant.
  3. la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote : On mesure la fixation de diazote par l’industrie et l’agriculture (limite à la fixation industrielle et agricole de 62 Tg/an). En 2009, cette limite est déjà dépassée.
  4. les changements d'utilisation des sols : Les terres cultivées ne doivent pas dépasser 15 % de la surface de terres disponibles. En 2009, environ 12 % de la surface terrestre mondiale est cultivée.
  5. l’acidification des océans : On mesure l’état de saturation de l’eau de mer de surface. Le taux moyen de saturation de l'eau de mer de surface en aragonite supérieur ou égal à 80 % du niveau pré-industriel.
  6. l’utilisation mondiale de l’eau : L’utilisation mondiale de l’eau doit être inférieure à 4000 km3 par an
  7. l’appauvrissement de la couche d'ozone stratosphérique : On mesure la concentration en ozone. Sachant que la valeur moyenne de la colonne d’ozone est de 300 DU, la limite est fixée à 275 DU, à savoir 95 % de son niveau préindustriel (290 DU). En 2009, la concentration s’élève à 283 DU.
  8. la pollution chimique : Par manque de données, la limite de la pollution chimique ne peut pas être quantifiée en 2009.
  9. l'augmentation des aérosols dans l’atmosphère : Par manque de données, la limite de l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère ne peut pas être quantifiée en 2009.

Les limites planétaires définissent donc un espace de développement sûr et juste pour l’humanité. Ces indicateurs permettent d’améliorer l’information sur les risques de bouleversements environnementaux induits par les activités humaines, et leurs conséquences sur les écosystèmes.

Respecter ces seuils, c’est assurer des conditions de développement futures pérennes à l’humanité et, plus largement, à toute vie sur Terre.

Dépasser ces frontières du système terrestre expose l’humanité à des modifications plus ou moins brutales, imprévisibles et potentiellement catastrophiques de l’environnement.



Combien de limites a-t-on déjà dépassé ?

Lors de la parution de l’article en 2009, les scientifiques estiment que 3 des limites ont déjà été franchies : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité et la perturbation du cycle de l’azote

Processus Biophysiques                                  

Seuil à ne pas dépasser                      

Etat actuel

Changement climatique

>350 ppm

412 ppm2

Erosion de la biodiversité

Max 10E/EA

100-1000 E/EA3

Perturbation du cycle de l’azote

Max 62 Tg/an

150-180 Tg/an4




En 2015, les auteurs publient une actualisation de leurs travaux dans la revue Science : “Planetary boundaries: Guiding human development on a changing planet. Les processus biophysiques et leurs mesures ont évolué et une autre limite est dépassée.

L’érosion de la biodiversité intègre aussi la biodiversité fonctionnelle (variété en formes de vie et interactions entre ces formes de vie). L’indice l’indice d’intégrité de la biosphère (IIB) qui évalue l’évolution depuis l’ère préindustrielle de l’abondance des populations ne doit pas être inférieur à 90%.

La perturbation du cycle de l’azote devient une sous limite de la perturbation des cycles géochimiques et est complétée par la perturbation du cycle du phosphore, limite dépassée lors de la parution de l’article en 2015. On mesure le rejet de phosphore dans les océans (il ne doit pas être plus de dix fois supérieur au rejet naturel soit maximum 11 Tg/an)

Toujours dans l’article mis à jour de 2015, les scientifiques proposent de calculer le changement d’utilisation des sols par rapport à la forêt plutôt que par les terres agricoles : au moins 75 % des terres jadis forestières restent boisées. En 2015 cette limite est donc dépassée puisque seules 62 % des terres jadis forestières sont boisées.


Processus Biophysiques                                                  

Seuil à ne pas dépasser                    

Etat actuel

Perturbation du cycle du phosphore

Max 11 Tg/an

22 Tg/an5

Changement d’utilisation des sols

Min 75%

62%3



Enfin dernière nouveauté dans le rapport actualisé de 2015, la pollution chimique est précisée. Elle correspond à la diffusion « d’entités nouvelles » dans l’environnement, qui peut avoir des conséquences biologiques et/ou géophysiques nocives.Plus de 100 000 substances entrant dans cette catégorie sont aujourd’hui commercialisées dans le monde. En ce début d’année 2022, les scientifiques affirment que cette limite a été franchi même si à cause de sa complexité, l’étude ne définit pas un seuil, le fait que la masse totale des plastiques dépasse désormais la masse totale de tous les mammifères vivants nous permet de penser que cette limite à bel et bien était dépassé.6.

L’année 2022 commence décidément bien mal puisque 3 mois plus tard, un article publié dans Nature le 26 avril par les chercheuses et chercheurs du Potsdam Institute associés au Stockholm Resilience Center démontre que la limite planétaire du cycle de l’eau verte est franchie. Initialement la limite de l’utilisation mondiale de l’eau prenait en compte l’eau bleue, c'est-à-dire l’eau issue des précipitations atmosphériques (retenue dans les mers, les réservoirs ou les lacs). L’utilisation mondiale de l’eau doit être inférieure à 4000 km3 par an. Dans ce nouvel article, les scientifiques prennent en compte l’eau verte c'est -à -dire l’eau absorbée par les végétaux ou l’humidité des sols. En prenant en compte cette nouvelle définition, la limite est franchie.

Vous l’avez compris, le concept de limites planétaires reste le même d’année en année mais les limites en elles-mêmes se précisent et les manières de calculer les seuils évoluent selon les travaux des scientifiques. En septembre 2023, le Stockholm Resilience Centre a publié une actualisation du cadre conceptuel des neuf limites planétaires, les neuf limites planétaires sont ainsi quantifiées (Richardson et al.38, 2023). De nouvelles variables de contrôle sont affectées à quatre limites.7:
intégrité de la biosphère. Le calcul de la diversité spécifique et complété d’un calcul de la diversité fonctionnelle : énergie disponible pour les écosystèmes à travers la part de la production primaire nette annuelle de la biosphère, elle aussi dépassée.
cycle de l’eau douce, l’eau bleue (l’eau visible) et l’eau verte (l’eau invisible) ont maintenant chacune une limite distincte, les deux dépassées.
aérosols dans l’atmosphère, jusqu’à maintenant non quantifié. Aujourd’hui c’est la différence interhémisphérique dans l'épaisseur optique d’aérosols (AOD) qui est proposée.
Pollution chimique (ou introduction de « nouvelles entités » perturbatrices dans l’environnement), jusqu'à maintenant non quantifié. Aujourd’hui c’est le pourcentage de produits chimiques synthétiques rejetés dans l'environnement sans tests de sécurité adéquats que l’on considère dépassé.

Schéma 1 : les neuf limites planétaires du cadre de 2015 actualisé en 2022 (à gauche)
Schéma 2 : les neuf limites planétaires du cadre de 2023 (à droite)

Sources schéma 1 : Steffen et al., 2015 ; Personn et al., 2021 ; Wang-Erlandsson et al., 2022

Source schéma 2 : Richardson et al., 2023


Est ce que c’est la fin du monde ?


C’est sûrement la fin du monde tel que nous le connaissons. Heureusement de nombreux acteurs ont compris les enjeux environnementaux et sociaux et tentent de changer nos manières de penser, de produire, de consommer et surtout de vivre! De nombreuses solutions existent pour ralentir et essayer de maîtriser les conséquences de nos activités humaines passées et présentes. Deux choses à faire pour prendre part à la construction de ce monde et ne pas contribuer à la survie de l’ancien : se renseigner/s’informer pour mieux agir et pratiquer le concept de sobriété heureuse !



  1. Le Club de Rome est un groupe de réflexion (think tank) international fondé en 1968 et composé d'économistes, de scientifiques, de hauts fonctionnaires et d'industriels de différents pays. Il s'est donné pour but de réfléchir sur les problèmes complexes auxquels toutes les sociétés doivent faire face, qu'elles soient industrialisées ou en développement” Dictionnaire Politique
  2. Service des données et études statistiques (SDES), « Causes du changement climatique »
  3. Planetary boundaries: Guiding human development on a changing planet, Science, 13 février 2015
  4. D. L. N. Rao et D. Balachandar, Nitrogen Inputs From Biological Nitrogen Fixation in Indian Agriculture
  5. Stephen R. Carpenter et Elena M. Bennett, Reconsideration of the planetary boundary for phosphorus, Elsevier, 2017
  6. Outside the Safe Operating Space of the Planetary Boundary for Novel Entities, Environmental Science & Technology, 18 janvier 2022
  7. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/la-france-face-aux-neuf-limites-planetaires/14-revision-2023-du-cadre-des

par Auriane Lefebvre 27 mai 2024
Notre studio interne vous accompagne dans vos projets sur mesure !
par Manon Baste 5 janvier 2024
Valterio lauréat du prix coup de pouce de l’Innovation à impact organisé dans le cadre du Paris de l’innovation par Ville de Paris et Paris&Co.
par Auriane Lefebvre 6 novembre 2023
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par Manon Baste 20 juin 2023
Merci beaucoup à l’incubateur de l’Arts et Métiers ParisTech - École Nationale Supérieure d'Arts et Métiers et à la Karlsruhe Institute of Technology (KIT) de nous avoir fait confiance et offert cette opportunité incroyable pour notre jeune startup ! 🤗

Chez Valterio nous rêvons d’une industrie décarbonée et à impact sociétale positif, être présent sur l’évènement dédié à l’innovation et à la technologie sur un stand qui parle de l’industrie du futur nous donne beaucoup d’espoir 💪

Qu’a t on fait en cette journée riche en émotion ?

👀 Exposer nos matériaux
📣 Pitcher pour le French-German Tech Lab
📣 Pitcher pour la région Ile de France
🤝 Discuter avec de nombreux experts comme une délégation d’entreprise de l’industrie agroalimentaire

par Manon Baste 14 juin 2023
Article sur l'uplycling et la valorisation de déchets agroalimentaires. Valorisation drêches de bières, coquilles coquillages par des startup dont valterio.
par Manon Baste 30 juin 2022

Auriane est revenue sur ce qui la menée à houbly, a démarche en faveur de l’environnement, les hauts et les bas de la vie de jeune entrepreneuse, ou encore sa rencontre avec Manon Baste (la cofondatrice) !

Pour en apprendre plus, l’article est disponible ici :

https://get-quark.com/blogs/createur-d-interactions/houbly-materiaux-innovants

par Manon Baste 27 juin 2022
À l’occasion des portes Ouvertes des Fabriques Innovantes le 25 juin, le laboratoire de fabrication bio-inspiré Reflex Lab vous ouvre ses portes au Consulat Voltaire pour une visite guidée de leur atelier.
par Manon Baste 19 juin 2022
Samedi 18 juin nous étions présentes au festival Minhybride organisé par le collectif Le submersible, un collectif de joyeux lurons qui organise des soirées alternatives. Nous sommes venues nous amuser, écouter de la bonne musique et surtout présenter aux festivaliers nos solutions et nos créations fabriqués dans la ville d’à côté.
par Manon Baste 6 juin 2022

Début juin nous avons eu le plaisir de voir l’interview de Manon dans Femme Actuelle !

Qu’est ce que les drones, l’impression 3D, l’agriculture urbaine et la valorisation de déchets ont en commun ? Ce sont 4 métiers du futur mis en avant dans ce numéro de Femme Actuelle

par Manon Baste 2 mai 2022
Exposition au salon du packaging durable LUXEPACK dans l’espace matières et matériaux à sens et à sensation
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